J.O. 56 du 7 mars 2007
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 23 février 2007 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2007-550 DC
NOR : CSCL0710098X
LOI RELATIVE À LA MODERNISATION DE LA DIFFUSION
AUDIOVISUELLE ET À LA TÉLÉVISION DU FUTUR
Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer à votre examen aux fins d'annulation l'ensemble du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur tel que définitivement adopté par le Parlement le 22 février 2007 et en particulier son article 5.
Sur l'article 5 de la loi déférée
Le basculement de la télévision analogique vers la télévision numérique sur l'ensemble de notre territoire est fixé à la date du 30 novembre 2011 par le législateur alors même que la date butoir au regard de nos obligations européennes est en 2012 et que d'autres pays européens ont choisi des délais plus longs. Cela s'accompagne du déploiement de nouveaux services haute définition et de téléphonie mobile pour tous.
La loi déférée tend ainsi à adapter le cadre juridique du futur paysage audiovisuel du pays et, à cet égard, fait évoluer, en plusieurs de ses dispositions, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
C'est au titre de cette évolution qui va affecter l'ensemble des acteurs du paysage audiovisuel français que l'article 5 octroie, de façon spectaculaire, aux trois grandes chaînes privées actuelles - TF 1, M 6 et Canal+ - un canal supplémentaire en vue, selon le Gouvernement, d'accélérer la migration vers le numérique et de compenser les dépenses additionnelles qui seraient à la charge de ces opérateurs.
L'article 5 prévoit deux dispositions singulières destinées à assurer une « compensation » à ces opérateurs historiques bénéficiant actuellement d'une autorisation d'occupation du domaine public hertzien.
D'abord, l'article 5 modifiant l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que, « par dérogation au I de l'article 28-1, les autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique des services nationaux de télévision préalablement diffusés sur l'ensemble du territoire métropolitain par voie hertzienne terrestre en mode analogique accordées aux éditeurs de ces services sont prorogées de cinq ans, à la condition que ces éditeurs soient et demeurent membres du groupement d'intérêt public institué à l'article 102 et aient satisfait aux prescriptions de l'article 98-1 ».
Ensuite, le même article 5 de la loi querellée rédige ainsi un nouvel article 104 de la loi du 30 septembre 1986 prévoyant que :
« A l'extinction complète de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique d'un service national de télévision préalablement autorisé sur le fondement de l'article 30, le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde à l'éditeur de ce service qui lui en fait la demande, sous réserve du respect des dispositions des articles 1er, 3-1, 26 et 39 à 41-4, un droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un autre service de télévision à vocation nationale (...). »
Or, il apparaît que ces dispositions sont entachées d'inconstitutionnalité en ce qu'elles méconnaissent le principe d'égalité, le principe du pluralisme et, en tout état de cause, l'article 34 de la Constitution dès lors que le législateur n'a pas épuisé sa propre compétence.
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I. - Sur la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et du principe d'égalité devant la loi et par conséquent de la liberté d'entreprendre
Ces dispositions méconnaissent évidemment le principe d'égalité devant la loi tel que vous l'avez consacré de façon constante. Certes vous jugez, selon une formulation désormais classique, que ce principe ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu, cependant, que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (décision no 2006-540 DC, 27 juillet 2006, cons. 12 et 13, Journal officiel du 3 août 2006, p. 11541).
I-1. Au cas présent, c'est en vain que l'on chercherait, d'une part, à identifier l'existence de différence objective de situation justifiant une telle différence de traitement aboutissant à favoriser certains opérateurs au détriment d'autres, et, d'autre part, l'existence d'un intérêt général suffisant.
Force est d'admettre à cet égard que l'effet incontesté, et incontestable, des dispositions critiquées est bien d'instituer un privilège au bénéfice de quelques acteurs économiques alors que les autres opérateurs appartenant à la même catégorie se verront placer, en conséquence, dans une situation objectivement moins favorable. Il importe de mesurer à cet instant que l'un des effets de l'attribution d'une « chaîne bonus » - selon l'expression revendiquée par le Gouvernement valant aveu de la réalité du dispositif - sera d'orienter les flux du marché publicitaire de façon plus importante vers les canaux de ces opérateurs offrant mécaniquement des possibilités d'audience accrue. Nul ne peut ignorer que les nouveaux médias, allant de la télévision diffusée en mode numérique aux chaînes diffusées sur les portails internet en passant par les moteurs de recherche, se rémunèrent principalement par la publicité et que les annonceurs recherchent les effets de masse et vont donc vers l'audience la mieux garantie.
Qu'à cet égard le fait de favoriser mécaniquement l'audience de certaines chaînes au détriment d'autres crée nécessairement une distorsion de concurrence, puisque orientant le choix des annonceurs vers les opérateurs qui, déjà dominants par leur position historique, offriront une surface de diffusion augmentée par la loi. Cette discrimination entre des acteurs de même nature et opérant sur le même marché pertinent est gravement préjudiciable aux nouveaux entrants dans le paysage audiovisuel français.
Pour justifier l'octroi de cette chaîne bonus, le Gouvernement argue que ce choix tend à compenser le préjudice subi par les éditeurs résultant, d'abord, de la remise en cause anticipée d'une autorisation d'occupation du domaine public à partir du 31 mars 2008 - au lieu de 2012 - et, ensuite, du bouleversement du paysage audiovisuel hertzien analogique en clair, induit par l'arrêt définitif de la diffusion analogique au plus tard le 30 novembre 2011.
Cette thèse ne résiste pas à l'examen.
I-2. En premier lieu, ce privilège instauré au profit des opérateurs historiques ne se justifie en aucune façon par une différence de situation entre les opérateurs.
Certes, les opérateurs historiques devront assumer une migration de l'analogique vers le numérique, alors que les nouveaux arrivants se contenteront d'entrer « simplement » dans le numérique. Surtout, les charges seront les mêmes pour les anciens opérateurs - bénéficiaires du privilège critiqué - ou pour les nouveaux : tous devront supporter les coûts et les investissements rendus nécessaires par cette évolution technologique. On pourrait même considérer que ces investissements seront plus lourds pour les nouveaux opérateurs qui ne s'adossent pas à un savoir-faire aussi ancien que les opérateurs historiques et qui, de surcroît, n'ont pas à ce jour les mêmes garanties d'audience à proposer aux annonceurs.
Autrement dit, ce sont les opérateurs les mieux placés pour assumer les investissements impliqués par les évolutions techniques et du cadre légal qui bénéficient d'un avantage supplémentaire pour y faire face, au détriment des acteurs qui, nouveaux entrants sur le marché, font face à une équation économique incertaine au regard de la convergence des technologies de la communication et des mouvements du marché publicitaire qui en résultent.
Il importe de relever, à cet égard, que la Commission européenne a adressé, le 19 juillet 2006, une mise en demeure à l'Italie au motif que cet Etat, lors du passage au numérique en 2004, avait octroyé des avantages injustifiés à certains opérateurs en leur permettant d'obtenir des fréquences numériques supplémentaires. Selon la Commission, la législation italienne avait « abouti à créer un avantage significatif au profit de RAI et Mediaset qui contrôlent déjà 80 % des fréquences analogiques ».
Dans ces conditions, l'argument avancé par le législateur tiré du coût de la migration se retourne contre ses auteurs : les opérateurs historiques sont déjà leaders sur le marché et peuvent donc « migrer » dans des conditions nettement plus confortables que les nouveaux arrivants, souvent moins bien lotis sur le plan économique et financier. M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, souligne, à cet égard, que « sur le plan économique, les grandes chaînes feraient une énorme économie de diffusion après le passage au numérique, puisque quand une chaîne paie actuellement de 50 millions à 60 millions d'euros par an pour sa diffusion hertzienne analogique, elle paiera de 7 millions à 8 millions d'euros pour sa diffusion hertzienne numérique ».
On rappellera aussi que les opérateurs historiques avaient déjà bénéficié d'une chaîne bonus lors de l'instauration de la TNT. Il s'agit donc d'un nouveau privilège qui vient se surajouter à un avantage déjà existant.
Ainsi le législateur propose-t-il que ceux qui ont plus aient encore plus. Drôle de compensation, étrange vision du principe d'égalité devant la loi ! Le renforcement d'une telle position dominante ne manque de laisser songeur le juriste tout autant que le citoyen attaché à l'intérêt général.
En définitive, loin d'induire un surcoût supplémentaire pour les opérateurs historiques qui légitimerait l'octroi d'une « compensation », le passage au numérique entraînera donc, à terme, pour ces grandes chaînes, une économie tout à fait consistante. S'il y a donc une différence de situation, elle ne s'établit en rien au détriment des grandes chaînes qui réaliseront de substantielles économies grâce à la migration vers le numérique, mais bien à l'encontre des nouveaux entrants qui supporteront des coûts importants et dont la « place » dans le nouveau paysage télévisuel s'avérera finalement extrêmement restreinte.
I-3. En second lieu, il n'y a aucun intérêt général justifiant le privilège ainsi accordé aux opérateurs historiques.
Ainsi donc, de l'aveu même du Gouvernement comme des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, l'octroi de cette chaîne bonus aux opérateurs historiques vient satisfaire la situation particulière de quelques-uns, puisque seuls les intérêts des grandes chaînes sont pris en compte.
L'argument avancé en vertu duquel le privilège consenti serait rendu nécessaire par l'urgence impérieuse de réaliser cette migration vers le numérique n'est objectivement pas fondé. Le Gouvernement soutient l'idée que la France serait en retard par rapport à ses voisins européens en matière de télévision numérique et que ce « bonus » offert aux grandes chaînes permettrait d'opérer le rattrapage. Cependant, cette argutie fait l'impasse sur le fait que la date butoir fixée par l'Union européenne demeure celle de la fin de l'année 2012.
L'intérêt général, qui consiste ici à permettre à la France de proposer aux citoyens, dans le respect du droit européen, une offre de programmes pluraliste sur l'ensemble du territoire au travers d'une qualité accrue, ne justifie en rien que la migration nécessaire de la diffusion hertzienne vers la diffusion en mode numérique soit accompagnée d'un renforcement de la position dominante des opérateurs historiques.
D'autant plus que les opérateurs historiques bénéficiaires d'une autorisation d'occupation du domaine public hertzien se voient conduits à migrer vers un autre mode d'exploitation économique plus avantageux que le précédent. Au regard de cette situation, ceux-ci ne sont pas dans la situation d'un occupant du domaine public à titre privatif faisant l'objet du retrait de son autorisation d'occupation mais, bien au contraire, bénéficient de la confirmation de leur activité économique privative avec qui plus est un prolongement de la durée de l'autorisation pour cinq années supplémentaires.
Aucun préjudice spécial, anormal et grave n'est donc causé à ces opérateurs.
Au contraire même, alors que l'occupation à titre privatif du domaine public se caractérise par le principe de précarité, ces acteurs économiques dominants voient les conditions de poursuite de leur activité confirmées dans l'espace et confortées dans le temps grâce à la garantie de continuité de diffusion de leurs programmes au travers d'une qualité améliorée, d'une audience étendue et d'un coût diminué.
C'est bien en vain que l'on chercherait un quelconque préjudice suffisamment caractérisé au regard de la nouvelle situation ainsi créée. Dès lors, l'attribution d'une chaîne compensatoire, ou bonus, apparaît comme étrangère à l'intérêt général poursuivi et étrangère à la réalité économique et juridique dont vont bénéficier TF 1, M 6 et Canal+.
Le double avantage ainsi consenti s'avère tout à fait excessif compte tenu de l'objectif poursuivi qui consiste simplement à migrer dans un délai raisonnable d'un mode d'exploitation du domaine public vers un autre. Loin d'être la privation d'un droit acquis, cette situation est au contraire l'allongement de la durée d'exploitation d'une activité économique, alors pourtant que le principe de l'occupation du domaine public à titre privatif est constant.
L'ARCEP a rendu un avis négatif sur ce point en considérant que « cet article aurait pour conséquence d'offrir un "canal bonus aux chaînes existantes, c'est-à-dire un canal supplémentaire en plus de celui dont elles disposent pour fournir leurs services de télévision, et donc de préempter une partie du dividende numérique. Or, ces mêmes éditeurs avaient déjà reçu un "canal bonus lors du lancement de la TNT. Cette nouvelle disposition, qui a pour effet de préempter encore un peu plus le dividende numérique au profit de ces seuls éditeurs, n'est aucunement justifiée (...). Dans ces conditions, l'Autorité émet un avis défavorable sur ce projet d'article 12 et propose sa suppression » (avis du 4 juillet 2006).
En tout état de cause, et pour les seuls besoins du raisonnement, il est certain que ce double avantage - allongement de la durée d'autorisation et octroi d'une chaîne bonus - ainsi octroyé à ces opérateurs historiques est entaché d'une disproportion manifeste.
De ces seuls chefs, ce double privilège ainsi accordé aux opérateurs historiques par l'article 5 de la présente loi modifiant les articles 99 et 104 de la loi du 30 septembre 1986 encourt donc la censure.
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II. - Sur la méconnaissance du principe de pluralisme garanti au titre de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
Le pluralisme des courants d'expression socioculturels est l'une des conditions de la démocratie et s'applique évidemment à la communication audiovisuelle. Vous avez ainsi jugé que « le pluralisme des quotidiens d'information politique et générale (...) est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; qu'en effet la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent ces quotidiens n'était pas à même de disposer d'un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents ; qu'en définitive l'objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu'on puisse en faire l'objet d'un marché » (voir par exemple : CC 84-181 DC du 11 octobre 1984 ; CC 86-217 DC du 18 septembre 1986, rec. p. 110 ; CC 2004-507 DC du 9 décembre 2004, rec. p. 219).
L'octroi d'une chaîne compensatoire aux opérateurs historiques de télédiffusion ne peut qu'aboutir au renforcement d'une situation oligopolistique au regard de l'équilibre du marché existant et de ses potentialités de développement. Ainsi, les trois régies publicitaires de TF 1, M 6 et France Télévisions regroupent déjà plus de 80 % des investissements publicitaires du marché. Le libre choix du téléspectateur n'est assurément pas garanti en l'absence de pluralisme dès lors que la loi accentue, au contraire, la domination de certains opérateurs. L'objectif constitutionnel de pluralisme n'a pas pour vocation de « vendre davantage de temps de cerveau disponible pour Coca-Cola » selon l'expression de l'un des patrons d'un opérateur bénéficiaire de la chaîne bonus.
Force est de considérer que ce risque a été vu par le législateur. Mais il n'a pas su ou pu y remédier. En effet, conscient que l'octroi d'une chaîne bonus allait créer une distorsion au profit de ses bénéficiaires et, en particulier, accroître le poids de ces acteurs quant à la liberté de création et à la diversité de l'offre proposée aux citoyens, le législateur a modifié l'article 5 de la loi en cause en prévoyant que ces opérateurs devront souscrire « à des engagements particuliers en matière de diffusion et de production cinématographique et audiovisuelle d'expression originale française et européenne ».
Outre que l'on ignore ce que sont ces « engagements particuliers », il appert que cet amendement signe l'aveu du risque pour la création et, au-delà, pour la liberté de communication des divers courants socioculturels de voir quelques acteurs économiques dominants asseoir leur influence.
A cet égard, c'est en vain que le Gouvernement viendrait défendre au grief en prétendant que cette clause de sauvegarde du pluralisme est suffisante à l'aune du déséquilibre ainsi créé.
D'une part, s'agissant de l'exercice d'une liberté publique, le législateur aurait dû, conformément à l'article 34 de la Constitution, être plus précis et complet sur la nature de l'obligation pesant sur lesdits opérateurs.
D'autre part, le pluralisme tel que consacré par votre jurisprudence, par celle de la Cour européenne des droits de l'homme et par les autres cours constitutionnelles ne s'arrête pas à la seule production cinématographique et audiovisuelle mais s'étend à l'ensemble des idées et opinions, même celles qui choquent.
Dès lors, le garde-fou maladroitement et précipitamment posé par la majorité ne peut satisfaire l'exigence constitutionnelle de pluralisme.
C'est pourquoi, de ce chef encore, l'invalidation de l'article 5 est encourue.
III. - Quant à la méconnaissance de l'article 34
de la Constitution
La loi ne saurait être bavarde ou imprécise. A fortiori, lorsque sont concernés les principes et objectifs constitutionnels, elle ne saurait être floue et incertaine. Sa normativité doit alors être claire, intelligible et précise et le législateur doit exercer pleinement la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution afin de ne pas adopter de formules équivoques (décision no 2006-540 du 27 juillet 2006, cons. 9, Journal officiel du 3 août 2006, p. 11541, et auparavant décision no 2006-535 DC du 30 mars 2006).
Vous y veillez avec rigueur et constance.
Cela est encore plus vrai quand une exigence constitutionnelle est menacée.
De cette jurisprudence, il ressort que toute disposition législative doit être en mesure d'exposer clairement le régime qu'elle entend instaurer et être d'une normativité certaine. Que cette règle s'impose tout également lorsque le législateur entend renvoyer le détail d'application de certaines dispositions législatives au pouvoir réglementaire afin que ce dernier agisse dans un cadre suffisamment clair, précis et inconditionnel.
En l'espèce, le garde-fou constitué par « les engagements particuliers » que les opérateurs concernés devront souscrire en matière de diffusion et de production cinématographique et audiovisuelle d'expression originale française et européenne est particulièrement flou. La future obligation pesant sur les opérateurs historiques est donc imprécise et d'une normativité plus qu'incertaine et ne saurait suffire pour encadrer l'exercice du pouvoir réglementaire en la matière. Au demeurant, s'agissant de la sauvegarde de l'exigence de pluralisme, les obligations s'imposant aux opérateurs historiques ainsi privilégiés devraient être plus larges que la seule question de la production audiovisuelle mais s'étendre à la garantie de l'expression des divers courants socioculturels. Or, à cet égard, la loi est muette.
De ce chef, enfin, l'article 5 modifiant les articles 99 et 104 de la loi du 30 septembre 1986 encourt une invalidation certaine.
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Nous vous prions de croire, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.